S pénurie de main-d’œuvre à son apogée, les organisations ont tout intérêt à trouver des solutions pratiques pour fidéliser leurs employés. En offrant à leurs travailleurs la possibilité de vivre des expériences qui accéléreront leur développement professionnel, les entreprises pourraient trouver un moyen d’éviter les démissions massives.
Pourquoi certains salariés souhaitent-ils conserver leur emploi ? Cette question est au cœur de nombreuses réflexions sur les besoins des salariés et la manière d’y répondre. Selon plusieurs dirigeants, le salaire est le principal élément pris en compte par les travailleurs lorsqu’ils décident de rester – ou non – dans leur entreprise.[1]. Pourtant, lorsque la question est posée aux principales parties prenantes, le salaire est loin d’être la seule raison !
Des recherches approfondies menées par la société Gallup révèlent qu’il s’agit d’une possibilité étudier la significatif, qui est en tête des priorités de la majorité des salariés, notamment des jeunes générations[2]. Loin d’exiger des tables de ping-pong et des machines à café dernier cri, ils veulent surtout compter sur le soutien de leur employeur pour pouvoir se développer professionnellement. Cette découverte fait écho aux conclusions rapportées par la Harvard Business Review[3]à savoir que 86 % des salariés envisageraient de quitter leur emploi si on leur offrait un travail plus stimulant et la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences.
Bien sûr, aucun dirigeant n’est contre la vertu : qui ne voudrait pas répondre aux besoins professionnels de ses employés en leur offrant, par exemple, des formations et les services d’un coach ou d’un mentor ? Mais en réalité, le coût et le temps requis pour mettre en œuvre ces pratiques de gestion risquent de freiner l’enthousiasme des gestionnaires, même les plus enthousiastes. Ce genre d’obstacle explique aussi pourquoi ces initiatives sont souvent réservées à une minorité de travailleurs. Comment alors démocratiser l’accompagnement des collaborateurs en matière d’évolution professionnelle ? Une opportunité sur laquelle se concentrer est de donner aux employés la possibilité de relever des défis dans leurs tâches quotidiennes.
Le travail : un puissant moteur de développement professionnel
Utiliser le travail pour le développement professionnel va de pair avec la création d’expériences stimulantes qui obligent les employés à apprendre pour être performants. Selon les exigences des tâches à accomplir, ils peuvent par exemple avoir besoin de maîtriser de nouveaux outils informatiques, d’assimiler de nouvelles procédures ou d’affiner leurs stratégies de négociation. Notez cependant qu’une telle expérience de travail est un moyen d’apprentissage, à condition que vous possédiez au moins une des caractéristiques suivantes[4] :
- offrir une chance d’assumer de nouveaux rôles ou d’effectuer des tâches qui ne leur sont pas familières ;
- ceux-ci incluent faire face à l’adversité en s’engageant dans un changement organisationneltelles que l’élaboration d’une nouvelle politique ou la création d’un produit innovant ;
- elles engendrent des collaborations entre acteurs de multiples unités ou secteurs, qu’ils soient ou non membres d’une même organisation ;
- ils permettent aux salariés de travailler en équipe avec des collègues différents, que ce soit en termes d’âge, de valeurs ou d’ethnie par exemple ;
- ils exigent d’assumer de plus grandes responsabilités, ce qui peut signifier travailler dans des délais serrés, être responsable des décisions prises et équilibrer les intérêts des différentes parties prenantes.
Cette expérience de travail, considérée comme propice au développement professionnel, peut prendre plusieurs formes. En voici trois qui s’appliquent à la majorité des salariés : l’enrichissement du poste, l’affectation temporaire à un projet et la mobilité latérale.
enrichissement du travail
L’enrichissement des tâches consiste à responsabiliser davantage les employés et à complexifier leurs tâches. En leur offrant une autonomie accrue, on attend d’eux qu’ils repensent leurs façons habituelles de travailler et qu’ils prennent des initiatives pour résoudre divers problèmes. Cependant, une précision s’impose : il ne s’agit pas de surcharger les salariés en multipliant les tâches qu’ils doivent accomplir. Au contraire, l’idée est de rendre leur travail plus stimulant et exigeant intellectuellement.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) a récemment décidé de miser sur l’enrichissement du travail des infirmières afin d’augmenter leur niveau de fidélité à l’emploi. Sachant que l’accomplissement des tâches administratives est une gêne majeure pour nombre d’entre eux, le département s’est fixé l’objectif d’embaucher jusqu’à 3 000 personnels administratifs, dont le travail permettra au personnel soignant de se concentrer pour avoir un impact significatif sur le bon fonctionnement de son travail. unité ainsi que sur la santé et le bien-être des patients. Prenons le cas des aides-soignantes. Bientôt, ils devraient pouvoir consacrer plus de temps et d’énergie à la maîtrise de tâches plus complexes, axées spécifiquement sur le leadership clinique, la coordination des soins et la gestion de l’expérience du patient.
Affectation temporaire d’un projet
De nombreux salariés participent à des projets dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ces expériences sont souvent l’occasion de faire équipe avec des acteurs aux parcours uniques (collègues, clients, fournisseurs). Et ce n’est pas tout : en étant responsables d’aspects spécifiques d’un projet, ces employés ont la chance de améliorer certaines compétences qui seront la base de leur réussite professionnelle (leadership et capacité à travail en équiped’ailleurs).
Plusieurs grands cabinets de conseil internationaux entreprennent ce changement lorsqu’ils élaborent des politiques de équité, diversité et inclusion (EDI). Tout en contribuant à la création d’un milieu de travail exempt de discrimination et de préjugés, les employés participant à cette démarche tirent profit de cette expérience de travail en approfondissant leur compréhension des enjeux qui leur sont chers. Par exemple, un analyste en rémunération pourrait avoir la chance d’élargir son champ d’expertise en réalisant une étude des pratiques éprouvées en matière d’EDI, ce qui lui permettrait ensuite de formuler des recommandations et de participer à l’élaboration de la politique elle-même. À la fin du projet, ces intervenants sont généralement prêts à répondre aux questions de leurs collègues et à intervenir dans des situations d’obstacles à l’inclusion de personnes issues de groupes sous-représentés.
Mobilité latérale
Prendre un nouvel emploi dans la même entreprise est une autre expérience de travail propice à l’apprentissage. Par rapport aux mouvements verticaux, qui offrent à une minorité de salariés la possibilité de gravir les échelons de l’entreprise, la mobilité latérale n’apporte ni prestige ni pouvoir supplémentaire. Cependant, elle permet d’explorer de nouvelles perspectives et contribue à la formation d’une compréhension systémique du fonctionnement d’une organisation.
Chez Transat AT, la mobilité latérale est fortement encouragée. Forte d’une politique de recrutement interne transparente qui s’applique à tous les salariés non syndiqués, l’entreprise publie de nombreux postes sur son intranet. C’est dans ce contexte qu’un représentant au développement des affaires saisit l’opportunité de relever de nouveaux défis en se joignant à l’équipe responsable de l’acquisition de talents. Habituée à travailler comme ambassadrice de l’entreprise auprès des clients, elle a pu contribuer à renforcer la marque employeur de Transat AT Cette expérience lui a également permis de se familiariser avec le volet RH et d’accompagner de nombreux gestionnaires pour assurer une intégration optimale des nouveaux employés.
Quelques recommandations
Afin d’optimiser le potentiel de ces expériences de travail, certaines recommandations s’imposent. Dans un premier temps, les managers doivent s’informer des besoins de formation de leurs collaborateurs en leur posant diverses questions : « Quelles sont les tâches qui vous posent problème ? », « Y a-t-il des projets ou des comités auxquels vous aimeriez participer ? », « Quelle expertise aimeriez-vous avoir? » pour acquérir[5]?” Bien qu’il soit courant de recevoir ces informations lors des entretiens d’évaluation, rien n’empêche que ces échanges se déroulent dans un cadre informel.
Une fois que vous vous êtes mis d’accord sur le type d’expérience de travail souhaité, il serait judicieux de contacter ces personnes, à la fois pour discuter de l’acquisition de certaines compétences et pour leur offrir le soutien dont elles pourraient avoir besoin (rétroaction constructive). Cette attention qui leur est accordée augmentera leur désir de profiter de toutes les opportunités d’apprentissage qui s’offrent à eux.
Enfin, cette expérience de travail doit être stimulante sans être trop exigeante. Lorsque les employés sont confrontés à des défis au-delà de leurs capacités, non seulement ils n’apprennent pas, mais ils sont également susceptibles d’en souffrir à long terme. brûlé[6]. Ainsi, selon les cas, il peut être utile de revoir le degré de difficulté de certaines tâches et le degré de nouvelles responsabilités qui leur sont confiées.
Bref, le travail peut être une source d’apprentissage et ainsi servir à retenir la majorité des employés, à condition qu’ils puissent bénéficier du soutien de leur gestionnaire et que les défis offerts soient à la hauteur de leurs capacités.
Article paru dans l’édition Automne 2022 de Gestion
Références
[1] « ‘Grand épuisement’ ou ‘Grande attraction’ ? Le choix vous appartient » (article en ligne), McKinsey Trimestriel8 septembre 2021
[2] Adkins, A., « What Millennials Want From Work and Life », (article en ligne), Gallup, 10 mai 2016.
[3] Keswin, E., « 3 façons d’augmenter la rétention grâce au développement professionnel » (article en ligne), revue de Harvard business5 avril 2022
[4] McCauley, CD, Ohlott, PJ et Ruderman, MN, Job Challenge Profile : Un guide pour le facilitateurCentre pour le leadership créatif, 2019, 74 p.
[5] Courtright, SH, Colbert, AE et Choi, D., « Enflammé ou brûlé ? Comment le défi de développement influence différemment le comportement du leader », Journal de psychologie appliquée, voyage en avion 99, n° 4, février 2014, p. 681-696.
[6] Cao, J. et Hamori, M., « Comment les employeurs peuvent-ils tirer le meilleur parti de l’expérience de travail pour le développement ? La perspective demande-offre Journal de psychologie appliquée, voyage en avion 105, n° 4, avril 2020, p. 422-432.