« Suis-je vraiment heureux à New York ? Est-ce que je vis mieux là-bas qu’en France ? Tout l’argent que je gagne vaut-il la peine d’être si loin de mes proches et de ma culture ? Questions posées par Julien, 34 ans, expatrié à New York.
J’ai toujours su où j’allais. Questions existentielles du type qui suis-je / où vais-je ? ça ne m’a jamais vraiment touché au final. Cadre dirigeant pendant six ans dans une entreprise française basée à New York, bachelier accompli, je peux dire sans me vanter que dès le BAC, j’ai réussi tout ce que j’entreprenais, sans trop forcer, sans regrets et sans hésitation… jusqu’à aujourd’hui ! En effet, sur le point de rentrer à Manhattan après mes premières vacances post-covid passées en France en famille, je doute de tout et de rien, je n’ai plus aucune sécurité sauf d’être perdu comme un naufrage seul au milieu de l’océan. Suis-je vraiment heureux à New York ? Est-ce que je vis mieux là-bas qu’en France ? Tout l’argent que je gagne vaut-il la peine d’être si loin de mes proches et de ma culture ? Je ne sais plus, je ne sais pas. Aidez-moi, je coule alors que je ne devrais pas… ou devrais-je ?….
Ce sentiment de confusion n’est pas nouveau. Je pense que ça a commencé il y a un an et demi quand je revenais du mariage de mon cousin. Lui et sa femme avaient organisé une soirée country à la française, comme j’aime ça, et en revenant à l’avion j’ai eu une crise d’angoisse. « Oh mon Dieu, je reviens à New York avec l’horrible sentiment que chez moi ce n’est plus chez moi, que chez moi c’est là-bas, le pays que je viens de quitter ! » la cataloguant ni une ni deux dans la rubrique problèmes avec les riches. Hélas, tous mes voyages ultérieurs en France m’ont fait le même effet, une version exponentielle. Puis j’ai essayé de comprendre ce qui m’arrivait, j’en ai parlé à des collègues et même à un psychologue, mais la culpabilité a pris le dessus, « arrête de te plaindre, New York c’est super, tout le monde aimerait être à ta place ! », et m’a empêché d’avancer.
Aujourd’hui, dans la salle d’embarquement du vol AF007 en route vers La grosse Pomme, je sais que mon inconfort doit être pris au sérieux. Pourtant, malgré la boule au ventre, je sais que je vais m’en sortir, surtout après la discussion que j’ai eue la veille au restaurant avec Nicolas, coach expatrié et ami d’enfance. « Tu as toujours été du genre à suivre les autres comme un chiot et à les rattraper puis les dépasser, sans doute une façon de nourrir ton ego, tu n’as jamais cessé d’être meilleur qu’eux. » Sa réflexion m’a alors donné un bon high, mais une cigarette et quelques verres plus tard, ma vie a explosé sous mes yeux, et j’ai dû admettre que mon vieil ami n’avait pas tort.
Au lycée, j’ai choisi la voie scientifique parce que tout le monde disait que la voie littéraire était la voie de ample. J’ai eu mon BAC S avec Distinction. J’ai fait Sup’de Co’ parce que mon ami Mark m’a convaincu que ça irait bien sur un CV. J’ai obtenu mon diplôme en tête de ma classe. J’ai ensuite fait un MBA à Columbia parce que Marc s’y était réinscrit, et après trois ans de galère dans mon box à Paris, j’ai accepté d’être muté à New York car tous mes collègues en rêvaient. ! On peut dire ce qu’on veut, mais cette discussion avec Nicola, sans exagérer, a été pour moi une révélation. Toute ma vie je me suis consolé avec l’idée que j’ai été une personne imprégnée de sécurité, alors qu’en fait j’ai vécu la vie des autres, et sans m’en rendre compte. Quand je me pose maintenant la question « qu’attends-tu de la vie », je ne peux pas répondre directement. Je pense à ce que mes amis ou ma famille diraient à ma place ! C’est horrible de l’admettre, mais la vérité est que je n’ai jamais su qui j’étais vraiment, et venir à New York, loin de mes racines et de mes habitudes, a exacerbé ce malaise sous-jacent. Pour m’en sortir, pour ne plus me sentir de plus en plus anxieux en rentrant de France, je ne vois qu’une solution, avec ou sans l’aide d’un professionnel, apprendre ou réapprendre qui je suis, où je veux aller et ce façon de définir et ensuite de vivre la vie que je veux vraiment. Je le crois.
Nicolas Serres Cousinette, coach de vie des expatriés français à travers le monde
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