Concept encore flou, métier non encore réglementé ou presque, le coaching connaît, depuis un certain temps, un essor sans égal. Un véritable raz-de-marée de personnes, de livres, dont ceux sous forme de romans, de séminaires, d’articles de presse, de rubriques pour programmes, radio et télé, de pages Fb et autres groupes et organismes qui prétendent livrer la recette magique pour réussir sa vie ou dans sa vie.
La semaine dernière, l’espace public a connu une véritable «fièvre coachteuse» sous ses différentes formes. La cause, l’approche à grands pas du jour «J» des examens et le grand stress qui accompagne ces rendez-vous cruciaux. Même le sermon de la prière du vendredi n’a pas dérogé à cette règle. C’est dire que la lutte contre le stress est devenue elle-même stressante.
«Tu coaches, il coache,….nous coachons». C’est ainsi que nous avons titré notre article paru sur ces mêmes colonnes et traitant de ce «marché prometteur» qu’est le coaching en nous posant cette question: «Frime, mode ou vrai besoin ?» (La Presse magazine du 7 mars 2010)
Douze ans après, nous dirons que les choses n’ont guère changé dans ce domaine et que coacher ou se faire coacher reste un acte encore assez flou dans notre société. Même si le recours à un confident, un voyant, un médecin, un religieux, un avocat et à d’autres personnes qui offrent au moins une écoute attentive est un acte qui s’intègre bien dans le normal et le quotidien.
Un flou qui continue de régner autour du concept, né, rappelons-le, dans le domaine sportif. Que dire alors du métier qui en découle. En France, par exemple, où le métier de coach est reconnu, répertorié et règlementé depuis 2004, l’on continue encore d’expliquer au public ce qu’est le coaching, pourquoi et quand y avoir recours et surtout à qui s’adresser pour ce service, ou plutôt acte, effectué par un professionnel, nécessitant à côté des compétences requises ( reconnues aussi bien sur le plan technique que celui légal) un ensemble de règles éthiques.
Acte (ou service selon le cas) assuré par un spécialiste, le coaching est devenu aujourd’hui une véritable culture. Frime, mode ou besoin, le coaching est reconnu comme étant un levier pour plus de performance. Enfants, adolescents, cadres, futurs époux, parents et autres sont devenus plus attentifs à la réussite comme un droit, une nécessité, une seconde nature.
Selon la Fédération internationale du coaching, «il s’agit d’un procédé interactif qui aide les individus à se perfectionner plus rapidement pour produire des résultats plus satisfaisants». Notons ici la notion d’interactivité et celle de gain du temps qu’apporte le coaching.
Devenir coach nécessite des compétences reconnues certes mais aussi une reconnaissance légale avec une référence professionnelle répertoriée. «Le coach est un professionnel de l’accompagnement. Il intervient auprès d’un individu, d’un groupe, d’une structure. Il conviendrait de réserver les appellations plus longues lorsque le cadre d’intervention est restreint (coach sportif, coach individuel, coach d’entreprise…). Voilà comment le métier de coach professionnel est défini dans le répertoire des métiers du ministère français du Travail.
Bienvenue dans la jungle
Le problème est que n’importe qui peut prétendre être coach, il suffit qu’il s’improvise ainsi, la plupart du temps après avoir suivi un stage par ci, un séminaire par là. Et les gains sont parfois juteux (une séance d’une heure d’un coach bien diplômé peut aller jusqu’à 120d).
Voilà comment l’on pourrait décrire la situation du coaching en Tunisie surtout celui qui s’intéresse à la personne elle – même ou coaching de vie. (Voir notre contribution «Coachs en excercice : Séparer le bon grain de l’ivraie : La Presse Magazine du 24 septembre 2017)
C’est donc la jungle, avec de bons professionnels, heureusement, mais aussi plein de charlatans. Cela nuit énormément au métier mais aussi et surtout aux premiers. Effet de mode oblige, même certains vrais psychothérapeutes se font appeler désormais coach afin de profiter de cette vague car la psychothérapie évoque la maladie et les troubles alors que coaching possède une connotation positive et branchée.
Aucun texte ne pouvant prétendre y mettre de l’ordre et régir cette activité qui, sous d’autres cieux, est un métier bien répertorié et bien réglementé, n’a été promulgué jusqu’à aujourd’hui. N’importe qui peut alors prétendre être coach, il suffit qu’il s’improvise ainsi, la plupart du temps après avoir suivi un stage par ci, un séminaire par là. C’est d’ailleurs ce qui se passe souvent.
Certains étrangers, surtout issus des pays arabes du Machreq, ont flairé le filon, mais aussi l’anarchie qui règne dans le domaine et ont commencé depuis des années à organiser de véritables razzias en direction de la Tunisie, faisant miroiter à leur clientèle en puissance, certificats aux titres aussi vides que bidons, tels que ««Diplôme du centre mondial machin…».
Des institutions bidons qui ne possèdent aucune valeur ni crédibilité académique. L’engouement pathologique de la majorité des Tunisiens pour tout ce qui est étranger aidant, le butin est ainsi fabuleux. Ce qui explique l’engagement par ces «maîtres-coachs», de représentants et d’agents en Tunisie.
Ce «harcèlement du Machreq» a commencé lorsque le célèbre Dr. Ibrahim Feki (Egyptien, décédé en 2012) est venu, il y a des années, pour animer des séminaires de développement personnel en Tunisie. Charismatique et éloquent, ce spécialiste de très haut niveau a rendu le domaine plus accessible à ceux qui ne se trouvent à l’aise dans les études que dans la langue arabe.
Ce qui a eu pour, entre autres conséquences, de défricher le terrain pour ses disciples, qui désormais utilisent voracement et sans aucune vergogne son nom. Dans le même temps, le thème a connu un grand succès dans les chaînes satellitaires des pays du Golfe, celle d’Abou Dhabi en tête.
Des «professionnels» du coaching… à coacher
D’autres institutions de formation, surtout françaises, ont ouvert par contre des filiales en Tunisie et offrent une formation certifiante, à première vue sérieuse, vu leur palmarès en termes de partenariat avec des institutions similaires internationales jouissant d’une grande réputation dans le domaine.
Étant grossièrement en relation avec, d’un côté, les psychothérapies et le développement personnel, de l’autre, l’exercice du coaching de vie draine, en Tunisie, divers profils. Cela va des psychologues et psychothérapeutes jusqu’aux spécialistes de la communication, en passant par les spécialistes en sciences de l’éducation et même en ressources humaines.
Certains, justifiant de formations de base qui n’ont aucun rapport direct avec le domaine, ont, pourtant, grâce à des séminaires, des stages surtout d’envergure internationale, des concours et beaucoup de pratique, rejoint les professionnels attitrés. Il s’agit, entre autres, des formateurs certifiés de la Jeune chambre internationale, une célèbre organisation mondiale pour la formation des jeunes leaders dans tous les domaines, dont la section nationale tunisienne est très dynamique.
Dans plusieurs pays développés, le métier de coach de vie est réglementé et nécessite la justification de diplômes et de certificats bien spécifiques, ainsi que des stages pratiques. Un métier par ailleurs organisé, c’est-à-dire qu’il existe associations et syndicats professionnels qui regroupent les praticiens et qui se chargent de développer aussi bien les aspects scientifiques que professionnels et éthiques du métier.