« Chaque perception est colorée par une émotion »
Emmanuel Kant
Les émotions jouent un rôle dans les processus d’apprentissage.
Observer le cerveau à l’aide de scanners ou analyser les hormones qui y circulent permet d’identifier leurs effets inhibiteurs ou stimulants. En particulier, les processus de mémorisation, d’attention et de motivation sont passés au crible. Un courant neuroscientifique cherche à expliquer les facteurs favorables et défavorables à l’acte d’apprendre, souvent sous un angle neurocognitif. Les chercheurs dénoncent neuro-mythes et nous cherchons à objectiver les situations d’apprentissage en pénétrant au plus profond de la machine humaine.
Une nouvelle histoire des essaims d’Homo sapiens qui honorent les phénomènes chimiques et neurologiques. Par exemple, il est attribué au fonctionnement du cerveau notre incapacité à réagir et à apprendre face à la catastrophe climatique et à la diversification de la biodiversité.
Selon la croyance du cerveau qui explique tout, il suffirait d’analyser encore plus finement la machine biologique avec des scanners pour proposer de nouvelles approches susceptibles d’équiper les concepteurs de pratiques plus efficaces, par exemple l’apprentissage assisté par ordinateur qui active circuits de récompense et de renforcement hormonal.
Créer des addictions progressives nous incite à rester scotchés à nos écrans pour le « plaisir » de battre une difficulté calculée par un algorithme. Le progrès fait référence à plusieurs dimensions affectant l’apprentissage.
mémoire et émotions
dans L’erreur de Descartes, Damasio démontre que la part logique est survalorisée dans la prise de décision au détriment de la part sensible et émotionnelle. Sa démonstration est implacable. Le cerveau logique ne fonctionne pas bien lorsqu’il est privé de nourriture émotionnelle.
Il l’a démontré à travers des cas cliniques dans lesquels des parties du cerveau soutenant le fonctionnement émotionnel ont été endommagées. Sans empathie, sans connexion humaine, l’apprentissage est altéré.
Attention et émotions
L’excitation et son excès d’émotions seraient défavorables à l’apprentissage. On pense que l’attention joue un rôle essentiel dans le traitement des données, en les transformant en informations significatives et en apprentissage. Mais il ne suffit pas de retenir ses émotions et d’être calme pour apprendre. Cette part est encore une fois surfaite, car bien que mon attention soit constamment rivée par les publicités de parfums, j’ai décidé une fois pour toutes que je n’en achèterai plus.
L’intention prédominante est l’intention. L’intention appartient à la liberté humaine, là où l’émotion effrénée appartient à sa nature animale. En tant qu’apprenants, nous oscillons entre l’intention et l’attention. Tout le processus civilisationnel pourrait se jouer dans cet équilibre entre ces deux processus mentaux. Nous sommes plus que le résultat de nos perceptions, nous sommes des êtres de choix.
Motivation et émotions
Les émotions négatives ou positives détermineront notre comportement d’évitement ou de préférence. La théorie affirme que l’ancrage émotionnel contribue à une augmentation de la rétention d’informations.
Nous nous souvenons clairement où nous étions le jour de notre mariage ou le jour où les tours du World Trade Center sont tombées, frappées par des avions kamikazes, mais nous avons l’incertitude de décrire ce que nous faisions il y a une semaine à la même heure. .
Le rôle des émotions dans le développement des ressources d’apprentissage
A la lecture de ces notes, les émotions jouent un rôle clé, mais il n’est pas certain que comprendre le seul rôle des émotions sur la mémoire, l’attention ou la motivation soit suffisant pour développer une approche pédagogique efficace. Ce parti pris se consacre plutôt à soustraire l’homme à son environnement naturel et social, à le considérer comme un isolat cérébral, un objet d’observation, plutôt qu’à le considérer comme un flux, une partie du vivant.
L’homme est plus qu’un cerveau et un mécanisme émotionnel. Un être humain est le résultat de 3 processus :
- un processus d’hominisation qui l’a fait évoluer sur le long terme de l’état de singe à celui d’Homo sapiens,
- un processus d’humanisation qui lui fait préférer les choix moraux aux autres, puis agir en conséquence ou non et vivre des sentiments, et enfin
- un processus de symbolisation qui lui permet de composer un univers au sens singulier.
En d’autres termes, on apprend à habiter le monde d’un point de vue physique, mental et symbolique.
Elle construit progressivement le paysage dans lequel elle évolue et le fait évoluer en retour. Si ce paysage est peuplé d’émotions, il est aussi peuplé de sentiments, de projections, d’intuitions, de croyances, d’habitudes de raisonnement qui signifient des émotions. De plus, ce paysage est social, effervescent et imprévisible.
Ce paysage est trajectoire au sens de Berke. Il en dit autant sur nous que nous sur lui. Elle correspond à la réalité que nous nous inventons. De la même manière que l’œil en tant qu’organe est façonné par les spécifications que le soleil lui impose pour fonctionner. L’émotion est un compagnon de voyage labile qui se déforme selon les situations et n’est jamais le déterminant final.
Si l’émotion est un carburant, elle ne fonctionne que sur un oxydant composé de tous les événements aléatoires qui constituent finalement une expérience. Chacun, selon sa trajectoire de vie, reste en contact avec ses émotions et se les approprie. Pour l’homme, être du récit, cette propre expérience est en constante réévaluation. Ainsi, une émotion vécue lors d’un test académique, comme une peur intense, se traduira par un dépassement de soi quelques années plus tard.
Derrière la description chimique et neurologique unique se cache un sentiment personnel qui conduit à une action dans l’environnement d’une manière unique. L’approche phénoménologique de Bergson ou une Varela intègre le mouvement dans l’environnement en tant que processus clé, que cet environnement soit physique, mental ou symbolique. Cet environnement, dont les gens ne se séparent jamais, va digérer et transcender les émotions d’une manière unique, organiquement, en empruntant un chemin original.
La question qui importe au concepteur d’un dispositif pédagogique qui doit enseigner est : « Comment aider chacun à gérer son flux émotionnel pour développer son envie d’apprendre ? »
La réponse que je propose est d’imaginer des situations inédites dans lesquelles nous apprenons à apprendre ensemble, car ces situations sont riches de différences et d’émotions qui nourrissent nos notions du vivant et nous aident à composer nos paysages. Apprendre des autres et du vivant est susceptible de nourrir des émotions puissantes capables de donner vie à l’apprentissage, ce désir d’apprendre, cette attitude favorable à l’acte d’apprendre.
Sources
A.Damasio. L’erreur de Descartes (1995)
https://www.decitre.fr/livres/l-erreur-de-descartes-9782738124579.html
A. Damasio – Le sentiment même de soi (1999)
https://www.decitre.fr/livres/le-sentiment-meme-de-soi-9782738111180.html
Spinoza avait raison (2003). Paris : Odile Jacob.
https://www.decitre.fr/livres/spinoza-avais-raison-9782738115843.html
En ligneGrandguillaume, A., & Piroux, C. (2004). Orientation scolaire et professionnelle, (33/3), 477-479.
https://journals.openedition.org/osp/748
Rire Ctreq Neuromythes https://rire.ctreq.qc.ca/neuromythes-education/#
Marshall, G. (2017). Le syndrome de l’autruche : pourquoi notre cerveau est programmé pour ignorer le changement climatique. Éditions Actes Sud.
https://www.decitre.fr/livres/le-syndrome-de-l-autruche-9782330152475.html
Œcuménique. Trajectoire et réalité http://ecoumene.blogspot.com/2017/11/trajection-et-reality.html?m=1
Cnrs Francisco Varela. Pensée autopoïétique actuelle, en action et phénoménologie.
https://www.inshs.cnrs.fr/fr/evenement/francisco-varela-une-pensee-actuelle-autopoiese-enaction-phenomenologie
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