Dans la grisaille du matin, franchissez la porte d’un centre de formation. Rappelez-vous l’étage et le nom de l’organisation. Ah oui, quelque chose comme « coach ». Un autre ego dans l’escalier, également agacé. L’un se précipite pour arriver avant l’autre. Il devrait être là, il y a du café et des croissants. Un costume rayé délirant avec des baskets de créateurs s’approche avec trois ordinateurs portables à la main. C’est comme dans les années publicitaires, il a même gardé la queue de cheval. « Accueillir! Prenez un café et enlevez votre manteau, vous avez l’air si emprunté. Tu es coincé ici de toute façon. Il était déjà parti. Coincé ici, oui. Mon N+1 m’a dit que j’avais perdu le leadership et que mon équipe était démotivée. J’ai suivi ce coaching pour rester dans l’entreprise.
70% des stagiaires ont en moyenne 40 ans et ont des responsabilités (étude ICF-PWC, 2021). Mais qui les forme ? « Il n’existe pas de diplôme national spécifiquement dédié à l’encadrement », répond le Centre d’information et de documentation sur la jeunesse (CIDJ). Le prix moyen d’une séance est de « 100€ pour un particulier et 350€ pour les entreprises » (International Coaching Solutions), une mission de coaching en entreprise coûte entre 6 000 et 10 000€, et en France c’est un marché avec un CA de 100€ millions (Observatoire de la Franchise). Croissance : « 81% des entreprises françaises proposent des séances de coaching à leurs salariés » (CoachHub, 2022). Dès lors, il est indispensable de se demander dans quels buts le manager est incité à passer par la case « coach » afin de rester dans l’entreprise.
Le mot français « coche », qui au XVIe siècle désignait une voiture tirée par des chevaux et conduite par un cocher, est antérieur au verbe anglais entraîner. « Le coaching va dans le bon sens », estime Pierre Le Coz, professeur de philosophie à Aix-Marseille Université, spécialiste des questions éthiques. Né dans le monde du sport dans les années 1950, le coaching s’est introduit dans l’entreprise où la métaphore sportive est omniprésente (challenge, performance, équipiers, match) et « triomphe du ‘life coaching’ où la vie elle-même devient événement sportif », souligne l’auteur de Le coaching, symptôme de la fragilité du lien social (Recherche, avril 2015) et Empire des dresseurs (Albin Michel, 2006).
« Certains coachs sont de vrais gourous »
Mais le coaching est-il efficace ? « C’est au nom de l’efficacité que le coaching s’est imposé dans le paysage de la psychologie. Une alternative à la psychanalyse, selon une approche pragmatique prometteuse de résultats à court terme. Avec l’ancien paradigme du canapé, il a fallu du temps pour revenir sur son passé. Si la psychanalyse a un objectif négatif (libération de la névrose), les objectifs du coaching sont positifs, ambitieux », analyse-t-il. Améliorer ses performances au travail, mieux communiquer, développer son leadership, apprendre à s’affirmer, devenir plus créatif. Et qui « Plus de revenus, d’impact et de liberté : créer une entreprise de coaching en ligne », suggère un site. « Certains coachs sont de vrais gourous, prêts à profiter de la situation, soutirant de l’argent facile à des entités fragiles », déplore le philosophe. Aussi, il ne faut pas oublier la suprématie du coach sur le coach.» Cette asymétrie pose la question de savoir où se trouve le coach. Travaille-t-il pour l’entreprise qui emploie le coach? Son but ne doit pas être de le mettre sur la bonne voie. En général, le sort d’un entraîneur dépend de son éthique personnelle et des autres diplômes ou expériences qui lui confèrent une légitimité.
Sans oublier un autre fantasme que capitalise le coaching : le travail est le lieu du bien-être. Sifflez pendant que vous travaillez et le balai semble léger si vous pouvez siffler. « Un paradoxe unique dans l’histoire humaine où le travail a toujours été vécu et perçu comme un dur labeur. La vérité est que le travail a toujours été une contrainte. Le travail est un moyen de gagner sa vie et en aucun cas un lieu de satisfaction, comme peuvent l’être les loisirs et les moments d’amitié », insiste Pierre Le Coz.
Cependant, certains managers choisissent le coaching personnel, à leurs propres frais, dans une quête pour « faire mieux » ou « être meilleur ». Un œil extérieur pour les guider et les rassurer. « Mais le coaching n’est-il pas le symptôme d’un dysfonctionnement de la société ? », s’interroge le philosophe. Lorsque vous avez des amis, vous n’avez pas besoin d’un coach. « Le coaching reflète le manque d’amitiés, mais aussi le manque de fréquentation des livres qui permettent de développer son propre esprit critique, sa capacité réflexive. Essais de Montaigne, par exemple, ont changé la vie de nombreuses personnes. Heureusement, nos concitoyens cherchent des ressources pour se transformer ailleurs que dans le coaching. » La culture de soi pour chercher des clés de compréhension de soi et du monde dans lequel on vit est la première voie. à travers les moments difficiles de la vie. Mais si nous avons besoin d’un tiers, un psychologue ou un psychiatre serait probablement plus conseillé.