Après Pierre Abadipoursuivons nos rencontres avec des candidats français de Prix Lausanne 2023 avec Shani Abdiaségalement étudiant à CNSMDP. Elle nous raconte son parcours où la danse côtoie le piano, son travail de coach auprès d’Isabel Ciaravola ou encore ses ambitions au Prix de Lausanne, avec l’envie d’intégrer l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris.
Pouvez-vous d’abord vous présenter ?
Mon nom est Shani Abdias et j’ai 16 ans. Je viens de Nice et étudie la danse à Paris, dans la filière classique du CNSMDP. Je suis en troisième année, en DNSP2 avec Anne Salmon.
Pourquoi avez-vous choisi de vous produire au Prix de Lausanne ?
En fait, j’ai participé au prix du stage d’été, pour le plaisir. Et cette semaine j’ai été sélectionné pour cette édition 2023. Je voulais participer à ce concours, peut-être plus en DNSP3. Mais une fois ramassé, vous pouvez tout donner ! Le faire à 16 ou 17 ans n’a pas d’importance, je n’ai jamais pensé à abandonner.
Quelles variantes avez-vous choisi ?
j’ai pris les classiques La mascotte. Au début je voulais faire paquets. Mais j’ai été sélectionné pour un stage avec La mascotte, autant le continuer, j’avais beaucoup travaillé dessus. J’aime cette variation car elle a un côté très naturel, très spontané. Elle est assez originale, tout le monde ne la connaît pas. J’ai tout de suite trouvé très agréable de danser.
Pour le contemporain j’ai pris Chroma par Wayne Mc Gregor. Mon préféré est resté Les ombres du temps, mais comme j’avais travaillé dessus pendant le stage d’été avec le chorégraphe, je n’avais pas le droit de le choisir pour le prix. J’ai donc regardé les autres et j’ai pris celle qui me convenait le mieux en termes de lignes, d’art et de technique. Chroma est celui qui me parle le plus. Je le vois comme une variation très lyrique, juste à travers la musique. Et on y découvre des choses à chaque mouvement, il faut toujours aller plus loin dans le déséquilibre, même jusqu’à tomber. Pendant des semaines de travail, j’y ai toujours trouvé quelque chose.
Comment avez-vous travaillé ces variations ?
Isabelle Ciaravola il m’entraînait pour ma classique, on travaillait tous les mercredis, le week-end et quand on avait du temps en semaine. Je l’avais déjà une fois par semaine en classe. C’est incroyable de travailler avec elle, même si j’étais assez stressé au début en sachant qu’elle allait me former. Mais elle a réussi à me détendre. Elle m’a donné beaucoup d’images, m’a beaucoup aidée à m’installer en elle. Elle voulait que je ressente des choses auxquelles penser pour que le mouvement me vienne plus naturellement. Techniquement parlant, les sauts de pointes en vrille étaient le gros point à travailler, c’est délicat ! Pour ce qui me paraissait le plus simple, je dirais les astuces, mais on verra si ça marche le jour J (un sourire).
Pour la variation moderne avec laquelle je travaillais Raphaël Delaunay, surtout le week-end et encore quand on trouve du temps en semaine. Elle et moi avons aussi beaucoup travaillé l’imagerie : qu’est-ce qui se passe dans ma tête quand je fais un mouvement comme ça ?
Quel est ton parcours en danse ?
J’ai commencé la danse à l’âge de trois ans à Nice. Et puis ma mère, professeur de piano, m’a fait découvrir cet instrument et ce fut une véritable passion. Je suis allé au Conservatoire de Nice pour cela, tout en continuant à danser. Ces quelques jours ont été chargés. J’ai su que je voulais être danseuse quand j’avais 10 ans, mais j’aimais aussi beaucoup le piano. Il a fallu faire un choix, ce que j’ai fait en me présentant et en étant accepté à l’école de danse de l’Opéra de Paris à 12 ans pour le grand stage avec Muriel Halle. Quand tu es accepté dans cette école, tu n’hésites pas ! Le piano a perdu du terrain jusqu’à ce qu’il s’arrête complètement. Mais maintenant je le reprends.
Comment avez-vous vécu cette année à Nanterre ?
J’étais petit, je rentrais chez moi tous les 15 jours, c’était parfois compliqué. Et pour l’enseignement classique c’était difficile, pour la première fois je n’avais pas mes parents derrière mon dos qui me disaient de faire mes devoirs. Je n’ai pas été retenue à la fin du stage et je suis allée à Rosella Hightower, la seule école près de chez moi en filière professionnelle. J’y suis resté un an. Cette année j’ai voulu essayer le CNSMDP, j’y suis entré à 14 ans.
Vous êtes donc de retour à Paris. Qu’est-ce qui vous a poussé à réessayer ?
J’avais grandi dans ma tête. Au début, l’idée n’était pas évidente. Mais je voulais vraiment y aller, je voulais être danseuse.
Comment se passe votre formation au CNSMDP ?
J’aime tout là-bas ! L’ambiance, les professeurs, c’est incroyable. L’année préparatoire a en effet été une découverte. Notre professeur Isabelle Riddez nous a aidé pour tout le positionnement et la stabilité pour notre DNSP1 avec Nolwenn Daniel où nous avons poussé plus sur la technique. Avec Anne Salmon nous développons notre vitalité, notre énergie, comment la donner.
Et quel piano prend le dessus sur votre vie maintenant ?
Ma mère m’aide beaucoup, je travaille sur des partitions. Je joue du piano quand je peux, avant les cours, quand j’ai un moment. J’aime la musique, ce morceau de piano apporte de la musicalité à ma danse, il m’aide à m’exprimer plus facilement.
Vous êtes au Prix de Lausanne depuis trois jours. Comment ça se passe ?
J’étais très stressée le premier jour : le look des filles, Elizabeth Platel… Tout ! Après ça je me suis fait des amis et je suis aussi content d’être venu avec Pierre, un étudiant du CNSMDP avec moi, on se serre les coudes. Et puis c’est super d’être là, d’aller en cours, de monter sur scène… Plus tard je me dirai : j’ai réussi au Prix de Lausanne !
Et comment se passent les cours de danse moderne ?
Au CNSMDP on voit beaucoup de techniques différentes : Cunningham, Graham, danse jazz… Tandis que les cours du Prix de Lausanne sont plus « généralistes », avec des rebondissements, des passages au sol. J’aime beaucoup ces cours, ils sont super et je m’y sens bien.
Quel est ton objectif au Prix de Lausanne ?
Direction la ligne d’arrivée ! Si j’y suis, ce serait incroyable et si je ne le suis pas, c’est la vie et ça l’est. Après, mon objectif est de retourner à l’Opéra de Paris. J’aimerais bien y retourner l’année prochaine, en deuxième ou en première division, puis essayer le corps de ballet. Quand ils ne m’ont pas gardé après le gros stage, je n’avais plus envie d’y retourner. C’est dur de ne pas être choisi… Pendant deux ans, je n’ai même pas voulu en entendre parler. Mais lorsqu’il entre au CNSMDP, il voit Koharu Yamamoto y retourner (NDLR : Koharu Yamamoto a été acceptée à l’École de danse de l’Opéra de Paris en 2021, suite à sa partition au Prix de Lausanne, elle est désormais dans le corps de ballet), je pensais que c’était possible.
J’aime aussi beaucoup la Royal Ballet School, la Princess Grace Academy ou la John Cranko School. Mais je vise Opera comme premier choix. Je donne le meilleur de moi-même en classe et j’espère être remarqué.