Publié le 20 novembre 2018 à 13h00Mis à jour le 23 novembre 2018 à 11h12
Les coachs envahissent notre quotidien. De plus en plus d’entre eux se déclarent experts en tout, et parfois même en tout, prêts à guider les âmes perdues. Selon Bernard Soria, président de l’association SF Coach, 20 000 personnes ont été formées au coaching en France.
Cependant, « tout le monde ne pratique pas comme coach, certains utilisent les compétences acquises en formation pour améliorer leur travail de manager par exemple. Entre 5 000 et 7 000 personnes travaillent effectivement comme coachs, à plein temps ou en complément d’autres activités », a-t-il ajouté.
Sa définition du métier : « un professionnel qui va accompagner une personne dans l’atteinte de ses objectifs professionnels. Il a un cadre, des objectifs et est limité dans le temps. C’est quelqu’un qui fera naître l’autre à partir de ses propres décisions, par l’art de questionner, de reformuler, de donner du feedback. »
L’arbre qui cache la forêt
Pourtant, dans son numéro, Bernard Soria ne considère que les « coachs professionnels » certifiés. Les trois principales fédérations de coachs professionnels ne prennent en compte que les coachs, salariés accompagnateurs, entrepreneurs et autres managers.
L’arbre est ce qui cache la forêt, car les personnes qui se définissent aujourd’hui comme coachs vont souvent bien au-delà de la vie professionnelle. Venant des États-Unis, les « coachs de vie » sont de plus en plus à la mode en France. Les déclinaisons sont nombreuses : parentalité, vie amoureuse, shopping, rangement, écriture, sport, régimes…
« Aujourd’hui, on peut être coach de tout, c’est devenu un manteau. Pour resserrer le spectre, je définirais le coach comme un guide qui va aider une personne qui arrive avec une demande précise », explique Ellen Maker, sociologue et coach professionnelle. Par exemple : dois-je quitter Paris ? Le coach et les coachs transforment cette demande en objectif et créent une stratégie d’action.
Optimisation
Si le métier de coach se développe, c’est parce qu’il y a une demande croissante, ce que le sociologue explique par la recherche de bon sens chez les citoyens des pays développés, en particulier chez les jeunes actifs. « Nous sommes dans une société où la valeur individualiste est forte et où nous sommes obligés de nous redécouvrir au quotidien. Cela explique le succès du développement personnel en général. Le coach peut être vu comme une ressource pour s’optimiser », explique Ellen Maker.
Elvira Petit, formatrice en organisation et rangement, explique avoir trouvé des clients assez rapidement lorsqu’elle a démarré son activité. Ce sont majoritairement des femmes trentenaires CSP+. Ils essaient de (réorganiser) leur vie, et cela signifie vider leurs maisons. Après avoir accumulé des objets pendant des années, ils n’hésitent pas à faire appel à un « home organizer ».
Le remède contre la rate des millénaires ?
« Avant, on prônait l’importance de la réussite professionnelle avec l’idée de présenter coûte que coûte. Beaucoup sont arrivés au bout de cette logique et se rendent compte qu’ils ont finalement besoin d’autre chose. Ils veulent se recentrer sur des activités qui correspondent à leur valeur, dans leur vie professionnelle ou personnelle… », poursuit Ellen Maker.
Sans surprise, la génération Y frappera de plus en plus aux portes des autocars. En général, ils ont eu une bonne éducation, ils ont rejoint une grande entreprise, ils ont un salaire plus que suffisant et pourtant… ils sont malheureux. En dix séances de coaching, ils espèrent reprendre le contrôle de leur destin ou de leur temps. Pour certains, et surtout pour ceux qui sont englués dans des « boulots stupides », cela nécessite une reconversion. Pour d’autres, il s’agit de se former pour retrouver du temps pour sa famille ou pour soi, et enfin écrire le roman dont on a toujours rêvé, voire apprendre à bien manger. .
Tous les entraîneurs
Les coachs eux-mêmes sont souvent frustrés de travailler dans une entreprise qui manque de personnel, de passion et de sens. Il y a dix ans, la profession s’adressait essentiellement à des professionnels issus du monde professionnel, aujourd’hui ils sont plus jeunes et proposent leurs services car ils se sentent légitimes et veulent aider les autres.
« Il y a toujours des entraîneurs qui font ça dans la seconde moitié de leur carrière, mais les profils sont beaucoup plus diversifiés. Par exemple, très tôt j’ai voulu être entraîneur. Cela est lié à ma formation initiale en sciences humaines, répond au désir d’aider les gens à mieux se connaître », explique Helen Maker. Formée à l’ENS Cachan et titulaire d’un double master en sociologie et management international, la trentenaire a débuté comme chercheuse avant de lancer sa société RH & Management Opal fin 2016.
Dans un tout autre domaine, Elvira Petti, auteur de The Order is Now, suit également son instinct : « Je suis une personne maniaque et organisée, j’ai donc décidé de mettre cette lacune au service des autres. L’idée m’est venue après avoir aménagé ma maison de fond en comble, lorsque j’ai quitté mon emploi précédent pour créer ma propre entreprise. »
Travail stupide ?
Mais attention, si sur le papier l’idée est rafraîchissante pour les personnes en quête de sens, tant de la part du coach que du coach, les risques pour le développement anarchique de cette pratique sont nombreux : il y a parfois confusion, ce qui se fait souvent avec le psychologue ; beaucoup de gens se disent « coachs » sans titre officiel, et parfois même sans formation particulière ; il peut être difficile de se construire une légitimité et un réseau de clients… Si la profession continue à se développer, elle est elle-même en pleine quête de sens. De là aux entraîneurs qui se forment…